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 Sujet du message: Noochronique Placebo. 29/11/2004
UNREAD_POSTPosté: Mer Mai 23, 2007 2:26 am 
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Inscription: Mar Jan 09, 2007 3:21 am
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Mon père était médecin. Médecin communiste en Bretagne dans les années 60-80.
Du fait de leurs convictions politiques mes parents avaient totalement foi dans la science et la pensée scientifique.

Ils étaient athées militants, et par exemple, rien n'énervait plus mon père que de savoir que mes grands-parents maternels allaient de temps en temps consulter des rebouteux, comme il y en avait beaucoup en Bretagne à l'époque.

Malgré tout, j'avais parfois entendu mon père raconter que de temps en temps il lui arrivait d'utiliser des placebos, ou d'exploiter les croyances de certains de ses patients en leur demandant de prier pour faire disparaître des maladies bénignes, comme les verrues, ou l'eczema. Et il affirmait que cela marchait très bien. Mais c'était exceptionnel.
Il ne jurait que par la rationalité et le scientisme médical. Il considérait l'homéopathie comme une escroquerie, et sa foi dans la médecine de son époque a fait que, comme de nombreux médecins il a totalement abusé des antibiotiques dans ses prescriptions professionnelles ou familiales.

Mais ce qui est étrange, c'est ce que m'ont raconté certains de ses patients après sa mort à la fin des années 80.

Mon père était un médecin généraliste très réputé, voir célèbre dans sa ville. La majorité de son immense clientèle était surtout issue des milieux défavorisés de la région, ceux que mes parents assimilaient respectueusement au lumpen-prolétariat de l'idéologie communiste.

Plusieurs centaines de ses patients étaient venu assister à son enterrement, et cela formait une longue foule de familles habillées sobrement de ces vêtements bon marchés au chic désuet et suranné que mettent les paysans, ou les marins pêcheurs bretons lorsqu'ils doivent "s'habiller" pour une occasion spéciale.

Pour moi, habitué au côté futuriste et hi-tech des studios de TV parisien, c'était comme si le temps était revenu en arrière.
Par son habillement, et sa timidité respectueuse, cette longue foule qui avançait lentement derrière nous dans le cimetière m'évoquait l'image fantomatique et surréaliste de ces populations fuyant les bombardements dans les films en noir et blanc de la seconde guerre mondiale.

Après l'enterrement, pendant le repas, puis pendant les quelques jours qui ont suivi, certains sont venu me raconter quel médecin était mon père pour eux. Et tous m'ont raconté la même histoire. Une histoire étrange racontée a voix basse, comme un lourd secret dont on doit, par devoir, se décharger pour le confier à l'aîné des héritiers :

Isidore était un ancien maçon à la retraite et dont la famille vivait dans un hameau près de notre maison de campagne. Comme beaucoup d'autres habitants de la commune, il venait parfois consulter mon père le dimanche.
Quelques jours après l'enterrement, j'étais seul en train de ranger des affaires dans le vieux moulin lorsque Isidore, voyant ma voiture devant la chaumière a garé sa camionnette sur le bas côté et est venu me souhaiter le bonjour.

Je lui ai offert de boire un verre de vin comme c'est la coutume en bretagne, et nous nous sommes installé devant la grande cheminée où se consumaient quelques buches.
Nous avons échangé quelques banalités et commentaires élogieux sur mon père, entrecoupés de longs silences à regarder le feu.
Après avoir terminé son dernier verre, juste avant de prendre congé, Isidore m'a soufflé avec ce très fort accent breton que j'ai parfois du mal à comprendre.

"Tu sais yann, il faut que je te dise, parce que c'est important.
Ton père, c'était pas pour ses médicaments qu'on le faisait venir.
On les prenait pas ses médicaments, on les jetait, c'était pas la peine.
C'était pas ça qui nous soignait.
Il suffisait que ton père nous touche pour qu'on guérisse.
Il posait ses mains, et tout de suite ça allait mieux.
Si si je t'assure, c'est la vérité. Tout le monde le savait.
On a bien essayé de lui dire, mais ça le mettait très en colère alors on disait plus rien et on prévenait les autres de pas lui en parler pour qu'il se fâche pas. L'important c'était qu'il nous ausculte. Pas les choses graves, bien sur. Mais les petites maladies. Il suffisait que ton père nous touche pour qu'on soit guéris"


Yann, NooConteur Breton.


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