Connexion




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 1 message ] 
Auteur Message
 Sujet du message: Noochronique des utopiales 2004- Episode-2
UNREAD_POSTPosté: Mer Mai 23, 2007 2:33 am 
NooFondateur
Avatar de l’utilisateur
Inscription: Mar Jan 09, 2007 3:21 am
Messages: 1166
De : yminh@yannminh.com
Objet : Rép : [SFF] (tres long) Noochroniques des utopiales. Episode2 (suite)
Date : 24 novembre 2004 17:37:30 HNEC
À : yann.minh@wanadoo.fr, sffranco@mecreant.org



Dans la tête de Yann Minh.
Noochroniques des utopiales 2004.
Épisode 2. Les Scolaires.



Vendredi matin, Nathalie m'a programmé dans une intervention avec les élèves de son école. Je me suis couché avant 2 heures du matin Jeudi pour pouvoir me lever à l'aube.

Comme prévu le réveil est difficile, mais j'y arrive. Dans un demi sommeil, je programme mon avatar biologique pour qu'il s'extirpe du lit et descende vers la cafétéria pendant que je dors encore un peu.

Dans la cafétéria de l'hôtel je suis bien obligé d'émerger vraiment car j'y rencontre DOA, très matinal, plein d'énergie qui prend son petit déjeuner. Je lui demande s'il fait lui aussi une intervention, et il me répond que non, qu'il aime bien se lever tôt... louche pour un cyberpunk, je ne peux m'empêcher de penser...

Nous échangeons quelques mots. Il a l'air très combatif, à l'image de son roman cyberpunk, Les Fous d'Avril, que je viens de commencer et que je trouve excellent.

Puis je me traîne jusqu'à la nef du Palais des Congrès et cherche dans quelle soute doit se passer notre rencontre avec ces créatures miniatures étranges qu'on appel des "Scolaires".

Je retrouve les autres participants et Nathalie autour d'une magnifique table ovale équipée de micros, qui évoque la grande salle de commande dans Docteur Folamour, il ne manque plus que les projections sur les murs pour que la similitude soit parfaite.

En marchant le long des berges, j'avais réfléchis à ce que j'avais envie de raconter, et l'effet "péripatéticien" de la marche m'avait aidé à structurer mes idées... c'était complexe, mais je devais pouvoir le faire passer à des adolescents.

J'ai saisi au bond une intervention de JC Dunyach pour réagir de façon polémique et développer mon idée sur ce qu'était la SF...

Étrangement, mis par écrit ça parait particulièrement complexe, pourtant, ce matin la, par je ne sais quelle alchimie, j'ai eu une impression de fluidité, et les adolescents réunis autour de la table semblaient avoir compris ma prospective noonautique...

J'ai commencé ma démonstration en griffonnant sur les grandes feuilles blanches du chevalet de conférence.

Science-Fiction = Outil-Simulation

Puis j'ai commencé à leur expliquer quelque chose qui, voulait en gros dire ceci :


--------------------------------
D'un point de vue Inspiré par la mémétique, on peut définir la SF comme un monstre noosphérique, une entité informationnelle très ancienne qui, en chevauchant nos media, s'est perpétuée et a grandie...

On a coutume d'associer systématiquement les origines de la SF à la seule littérature, en oubliant qu'elle a toujours été accompagnée d'images.

Mais on peut inverser notre point de vue, la SF n'est pas que littérature, elle utilise la littérature, comme vecteur de propagation, comme elle a utilisé l'image, comme elle a utilisé le cinéma, la musique électronique, maintenant les jeux vidéo et plus tard les systèmes d'immersion virtuelles.

En effet, d'un point de vue cybernétique, la SF s'inscrit dans un tropisme cognitif humain fondamental, "la simulation".

Pour assurer sa survie, l'homme passe son temps a se projeter dans le futur, en extrapolant les événements à venir à partir de ce que l'expérience passée lui permet de déduire.

En cela la cybernétique et la SF rejoignent la définition de la conscience par Bergson. A chaque instant notre esprit se projette dans le futur, de façon consciente ou subconsciente.

Ainsi, alors même que vous me lisez, une part de votre sub-conscience a déjà élaborée une logistique en anticipant les événements qui vont se dérouler dans votre vie dans les minutes qui viennent.

Cette spéculation permanente sur le futur, peut être à cours terme, extrapolée sur quelques minutes, ou à long terme, voir à très long terme, sur des siècles ou des millénaires. Ainsi un historien, ou un scientifique, à partir de la connaissance d'un passé lointain peut extrapoler des futurs éloignés.

En plus des algorithmes fondamentaux de la systémique, la cybernétique nous propose une définition de l'homme.
Ce qui nous caractérise, ce n'est pas la marche debout, ce n'est pas la conscience de soi (les grands singes l'ont), ce n'est pas notre main ni notre pouce, ou l'utilisation d'outils, ce qui nous caractérise c'est notre capacité à traiter de l'information complexe.

Physiquement l'humain est bien moins adapté à survivre dans son environnement que la plupart des grands prédateurs. Le requin, le tigre sont bien mieux adaptés que l'homme à leur environnement.
Ce qui permet à l'humain d'assurer d'une part sa survie, d'autre part sa suprématie sur les autres espèces animales, voir sur la planète entière, c'est sa capacité à traiter de l'information complexe.

C'est cette capacité très spécifique de notre cerveau, qui permet d'élaborer des stratégies, les logistiques communes à court et à très long terme, et en particulier, outre des choses fondamentales comme le langage, de simuler notre futur lointain et proche par extrapolation de notre passé.

Un humain seul dans la jungle a très peu de chances de survivre, dix humains organisés et éduqués par des siècles de transmission du savoir, sont les prédateurs les plus dangereux de cette jungle.

Pour assurer sa survie, l'humain passe son temps à simuler... à simuler de façon virtuelle le futur, afin d'anticiper les événements qui pourraient mettre en péril sa survie. pour ce faire, nous avons inventé la science et ses outils, et de ce fait, nous avons aussi donné naissance à la SF . La SF est l'expression ludique, jubilatoire de ce processus spéculatif fondamental. Et elle a toujours existé, depuis bien plus longtemps que le dix neuvième siècle.

Ainsi, lorsque l'humain invente des outils, une part de son esprit va toujours spéculer, fantasmer, extrapoler ce que cet outil pourrait donner si on lui conférait plus de pouvoirs, de fonctions, de capacités..., nous allons imaginer ce qu'il se passerait si l'épée qu'on vient de forger était indestructible, nous allons imaginer des tapis ou des chariots volants, des arcs qui ne ratent jamais leurs cibles.


(A ce stade du développement de mon discours devant les élèves, j'ai du m'efforcer de ne pas faire de digression vers les outils de simulation sexuelle que je pense antérieurs aux haches de pierre... Nathalie m'ayant exhorté à ne pas aborder la sexualité lors de mes interventions en milieu scolaire...)


Ainsi, pour moi, vu sous cet angle, la différence entre Heroïc Fantasy et SF, c'est que dans l'Héroïc-Fantasy, les fonctionnalités conférées aux outils dans nos spéculations imaginaires, sont produites par la magie ou par les dieux, alors qu'en SF, elles sont expliquées par une "pseudo-science".

Dans l'Iliade, Héphaistos, le dieu grec de la technologie, a forgé pour l'assister, deux femmes en or qui en plus, précise le texte, sont équipée d'un diaphragme qui leur permet de parler.
Héphaïstos a également forgé des trépieds à roulettes,qui, tels des transdockers automatisés, vont livrer les armes sortant de sa forge aux dieux de l'Olympe.

Longtemps avant la rédaction de l'Iliade, les premiers conteurs mésopotamiens décrivent déjà des armes aux pouvoirs fabuleux, ou des archétypes de la science-fiction cyberpunk contemporaine comme le manteau d'invisibilité de Mardouk.

De nos jours, la SF imagine ce qu'il se passerait si nos vaisseaux pouvaient dépasser la vitesse de la lumière, si nous arrivions à fabriquer des machines à voyager dans le temps, si nos armes ravageaient la planète, si nos calculatrices devenaient intelligentes ou capables de se reproduire.
C'est pour cela que je pense qu'on peut remplacer aisément les mots de Science et fiction par Outil-Simulation.

Du fait qu'elle prend ses origines dans les bases mêmes de notre système cognitif, la SF est quelque chose d'encore plus complexe qu'il ne parait... c'est un monstre noosphérique, une entité informationnelle de plus en plus gigantesque, qui évolue dans la noosphère, la sphère de la spiritualité . La SF n'est pas générée par la littérature, ou l'illustration ou quelque autre vecteur de transmission horizontal de notre psyché, au contraire, la SF se sert de ces vecteurs informationnels pour se propager. Elle existe en amont de ses vecteurs de propagation.

Elle prend appuie sur nos media, pour se propager et se complexifier. Ph.K.Dick, un grand auteur de SF utilisait le terme de Plasme, actuellement, une nouvelle science la mémétique, utilise le terme de Memes pour nommer ce genre d'entité informationnelle.

On dit souvent que la popularité de la littérature de SF s'est effondrée avec le premier spoutnik, les gens se seraient désintéressés de la SF du fait que le voyage dans l'espace était devenu possible, et était beaucoup moins drôle que prévu, ( pas de soucoupes volantes, pas de petits bonhommes verts qui kidnappent les jolies filles, pas d'empires stellaires).

Non, je pense que les pulps ont vu leurs ventes baissées, car la SF a changée de support pour se propager. Le dragon noosphérique s'est vu pousser des ailes supplémentaires, plus grandes, plus puissantes. Jusqu'au 19 me siècle, la SF a utilisé le conte, le théâtre, la littérature et l'illustration comme principaux vecteurs de propagation, tant que ces media étaient les seuls media de masse disponibles, dès que de nouveaux média sont apparus, la SF s'est "déplacée", "adaptée" pour pouvoir se propager sur ces nouveaux media qu'étaient le cinéma, la télévision, maintenant les jeux vidéo, et demain les systèmes d'immersion virtuels.
---------------------

ça peut paraître incroyable, mais lors de cette intervention matinale, où j'avais essayé de synthétisé x mois de spéculations frassiennes en quelques minutes, nombreux furent ceux qui semblaient avoir compris ce que je voulais dire, et en tous cas, Nathalie Labrousse qui avait donc organisé ces rencontres entre auteurs et scolaires, était très contente de mon intervention.



Je suis allé manger, puis j'ai décidé de retourner à l'hôtel me coucher, car j'avais besoin de sommeil pour pouvoir assurer l'intervention suivante dans l'apm.

Au contraire du matin, le réveil fut très douloureux. Je me traînais littéralement jusqu'au palais des congrès. L'air semblait s'être densifié, j'avais du mal à avancer, et mes jambes me faisaient mal.

L'intervention de l'APM fut catastrophique...

j'essayais de refaire ma démonstration, mais je devais être moins inspiré, ou maladroit, car mes interventions suscitaient des réactions négatives de mes collègues, et leurs remarques ironiques m'indiquaient que visiblement ils ne comprenaient pas ce que je j'essayais de raconter, et cela m'irritait de plus en plus...
.. il y avait de nouveau entre les autres et moi, cette étrange membrane invisible qui m'isolait.

Je décidais de calmer le jeu avant que ça ne dégénère, d'arrêter d'essayer de transmettre le concept de dragon informationnel, et de suivre le fil de leurs arguments.

J'abondais dans leur sens, avec des choses comme le concept du seuil de "suspension de l'incrédulité", que j'illustrais avec un classique comme l'histoire de l'Antigrav qui n'équipe que le baron Harkonnen dans Dune... mais même ça, ça ne marchait pas, mes exemples n'étaient pas pertinents... je laissais tomber, j'étais en terre étrangère... tout le monde est sortie précipitamment, me laissant seul dans la salle... Visiblement j'avais planté quelque chose, je me suis senti coupable d'avoir gâché cette intervention.

Je rattrapais une des interlocutrice pour m'excuser de mon éventuel ton polémique, mais celle-ci me dit que ça n'avait pas d'importance, ce qui l'avait irrité c'est que j'avais totalement surestimé la capacité des élèves à comprendre ce que je disais. Les idées que j'abordais était beaucoup trop compliquées pour leur âge...

Ainsi c'était ça qui avait irrité... je comprenais mieux pourquoi ça avait dérapé... je n'avais pas su prendre la mesure empathique de mon auditoire... visiblement, cette classe, plus jeune, avait été larguée par mon discours, et je ne m'en étais pas rendu compte...

ok... si ce n'était que ça ce n'était pas grave... je n'espérais pas être compris par l'ensemble d'entre eux... à leur âge j'étais depuis longtemps un lecteur assidu de SF, et je m'étais confronté à des concepts bien plus ardus que ce que je venais d'énoncer.

En me projetant à leur âge, il était clair que j'aurais sans doute été le seul à être intéressé par ce que je venais de raconter... mais ça, ça a toujours été la malédiction des amateurs de SF... la solitude...


A suivre


Yann, noopéripatéticien incompris, caractériel et élitaire.
--
Episode 3 et fin des noochroniques des Utopiales
http://noozone.free.fr/noocrypte/viewtopic.php?t=238


 Hors ligne
 

Afficher les messages postés depuis:  Trier par  

Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 1 message ] 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 16 invités

Panel

Haut Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages
Rechercher:
Aller à:  

Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
Dizayn Ercan Koc