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 Sujet du message: Noochronique des utopiales 2004- Episode-3
UNREAD_POSTPosté: Mer Mai 23, 2007 2:34 am 
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De : yminh@yannminh.com
Objet : Rép : [SFF] (tres long) Noochroniques des utopiales. Episode3 (suite)
Date : 24 novembre 2004 17:42:12 HNEC
À : yann.minh@wanadoo.fr, sffranco@mecreant.org


Dans la tête de Yann Minh.
Noochroniques des utopiales 2004.
Épisode 3. Deuxième jour. Vendredi 5 Novembre 2004



Je me suis réveillé avec une mission à accomplir dans la journée. Collecter et détourer les livres des auteurs présents sur les plateaux cyberpunk et Sexe et SF.
Je ne peux pas me défaire de vieilles habitudes, et j'envisage de projeter sur l'écran du vidéo-projecteur les livres des auteurs présents, comme dans un magazine T.V.
C'est toujours bien de pouvoir voir les oeuvres des auteurs qui parlent. Pour cela je vais demander à la librairie installée sur le pont supérieur si je peux prendre en photo les jaquettes des romans qu'ils ont en stock.

Le libraire, très sympa m'autorise à faire ces photos, et m'indique où trouver les livres des auteurs que je cherche dans ses rayons provisoires.

Je transforme une des longues tables de dédicace éclairée par le soleil en banc-titre improvisé, et je photographie les bouquins posés sur leur tranche supérieure un par un, de 3/4 de face en plongée.

Quelqu'un s'étonne de me voir les photographier ainsi à l'envers, et je lui explique qu'en les remettant à l'endroit pour la projection, cela fera coïncider la perspective de l'écran avec le point de vue des spectateurs, afin de donner l'impression subconsciente que les livres flottent en l'air en contre plongée au dessus d'eux.

Une fois mes photos terminée, je cherche une table libre à proximité d'une prise de courant pour faire le détourage, car la batterie de mon portable est presque morte.

Hélas, l'alcôve dominant la grande nef où je me branche d'habitude pour travailler sur mon portable, est cette fois occupée par un jeune auteur qui prépare son scénario de jeu de rôle, du coup je descends m'installer dans le petit salon aménagé dans la cale d'Art & Fact, à la poupe de la grande nef.

Je branche le Titanium sur le boîtier multiprises de leur écran vidéo, et regrette de ne pas avoir apporté ma tablette graphique. Ceci dit, pour du détourage, la souris suffit amplement.
Je savoure la pertinence cyberpunk de l'opération.
Un micro-ordinateur portable et un appareil photo numérique me permettent d'effectuer très simplement des opérations qui, il y a seulement 10 ans auraient coûtées une fortune en production T.V.

Le détourage et l'intégration des bouquins sur des fonds noir de 800/600 pixels nécessite tellement peu de mes ressources cognitives, que je peux discuter avec les autres invités des utopiales qui viennent s'installer à mes côtés le temps de reposer leurs jambes.
Un illustrateur remarque justement la position en contre-plongée des livres et fait le rapport avec la position de l'écran au dessus des spectateurs.
Il y a des trucs comme ça, que seuls les graphistes identifient en général. Des choses subtiles dans les compositions visuelles mais qui influencent la façon dont les gens appréhendent l'image.

J'explique à mon interlocuteur que c'est ce que j'appelle du "sup-liminal" indiscernable, comme le NooReflecteur que j'avais mis au point quand je bossais pour M6, et que j'avais réutilisé plus tard pour faire l'ITW de Terry Gilliam pour Arte : http://www.yannminh.com/french/Ct-TerryGilliam.html

LE NOOREFLECTEUR

Grâce à un système de vitre et de masque noir positionné devant la caméra, je faisais en sorte que la personne filmée regarde directement le spectateur et non pas le journaliste, afin de ne pas avoir ce regard légèrement décalé à droite ou à gauche de la caméra comme c'est la coutume dans la plupart des documentaires T.V.

C'était Lionel Rotcage, le journaliste qui dirigeait l'émission d'M6, la Sixième Dimension, qui m'avait demandé en 1990 lors de la préparation du pilote de trouver un truc pour que les invités regardent la caméra et non pas à côté.
Son fil conducteur narratif pour l'émission était qu'une caméra extra-terrestre descendait sur terre pour interroger des personnalités, mais pour que son concept fonctionne il fallait que les interlocuteurs s'adressent directement à la caméra.

J'ai rapidement imaginé un truc inspiré des prompteurs, mais après l'avoir conceptualisé, j'ai vainement essayé de décrire mon dispositif de NooReflecteur à la production de l'émission. Par projection de leur propre incapacité à comprendre mes explications, ils trouvaient mon idée trop compliquée à mettre en oeuvre, et avaient immédiatement jeté ma proposition à la poubelle. Comme d'habitude, la normalisation consensuelle et misérabiliste de la T.V. commence dans les réunions de production, par incompréhension des décideurs pour les idées nouvelles.

Le premier entretien qu'on devait faire pour le pilote de l'émission de Lionel, c'était Séguéla dans son agence. Je décidais d'appliquer mon système malgré l'avis défavorable de la production.

La veille du tournage, j'avais bricolé et testé un prototype du NooReflecteur avec une amie Erika, journaliste à Riga, que j'hébergeais pendant ses séjours hors d'union soviétique.
Avec Erika, qui est une grande blonde sportive, j'avais vérifié que le NooReflecteur fonctionnait, pas de raison qu'il ne fonctionne pas avec un publicitaire occidental dégarni.

Le lendemain, alors que nous étions en train de nous installer dans le bureau de Seguela pendant que Lionel allait le chercher quelque part dans l'agence, je déversais mon bric à brac sur la table devant le regard interloqué de l'opérateur.

- qu'est ce que tu fous ! c'est quoi ce bordel ?
- c'est un système pour que Seguela regarde vers la caméra pendant l'ITW.
- t'as prévenu Lionel!.
- t'inquiète pas, laisse moi faire, on a peu de temps, j'ai tout sous contrôle.

Heureusement, l'équipe avait une très grande confiance en moi, et ils se sont fait complices de l'expérimentation clandestine.
Je bloquais une plaque de verre de 50 cm de haut sur le bureau avec des tasseaux et des serre-joints, et l'orientait à 45° par rapport à la caméra.
Puis, avec des pinces à dessin je fixais un léger tissu noir sur les bords de la plaque et en recouvrait la caméra et l'opérateur qui se retrouvaient ainsi enfermés sous une sorte de tente tenu par des pieds de projecteurs.

L'installation était tout sauf discrète et l'opérateur me regardait faire de plus en plus inquiet.

- tu es fou, tu vas nous faire virer!

Il avait raison, mais j'étais prêt à courir le risque. C'était une époque de douce inconscience où ce genre de risque ne me concernais pas vraiment. Je ne savais pas à quel point c'est parfois difficile de trouver du boulot. Maintenant c'est clair que je ne le referai plus.

Je terminais juste les derniers ajustements lorsque Lionel entra précédé par Seguela, lequel, prenant place derrière son bureau, et, découvrant l'échafaudage hétéroclite que j'y avais construit, s'étonna !

- Qu'est ce que c'est que ça ? C'est la première fois qu'on m'interview de cette façon!

L'air d'avoir fait ça toute ma vie, j'ai expliqué le principe du NooReflecteur à un Séguéla intrigué et à un Lionel mi-figue mi-raisin.

- c'est un procédé que nous utilisons pour faire en sorte que vous regardiez naturellement la caméra en répondant au journaliste. Il se tient à votre gauche, sur ce siège, et vous regardez son reflet dans la glace. Ainsi la caméra peut vous filmer droit dans les yeux. Il faut juste qu'on ajuste la position de la caméra avec votre regard.

- "Je comprends... c'est très malin" . Commenta le très célèbre publicitaire, en se prêtant complaisamment au jeu.

Ouf! J'avais l'aval du principal intéressé qui ne s'était pas douté un seul instant qu'il était le cobaye involontaire d'une première expérience de savant fou noosphérique.

En se positionnant à gauche du bureau, Lionel me lança un regard dont je ne saurais dire s'il était furieux, menaçant, ou tout simplement fataliste. Mais en présence de Séguéla, très pro il se garda de faire la moindre réflexion, et il fit comme s'il avait une longue habitude de ce dispositif bricolé, qui, par son grand rideau noir, évoquait de façon inquiétante les archaïsmes du début de la photographie.

Par contre, une information était clairement passé dans son regard, j'avais intérêt à ce que ça se passe bien.

Après quelques ajustements minimes, l'interview pu commencer et se déroula le mieux du monde.
Je ne fus pas viré, et la production devait par la suite exploiter ce procédé que Lionel adorait.
Car cette très légère différence, imperceptible au néophyte, influence subtilement la relation du spectateur à l'image pour le captiver un peu plus et donner plus d'impact au discours de l'invité.

Quelques années plus tard, alors que je réalisais la première soirée SF d'Arte, ce petit truc avait beaucoup amusé Terry Gilliam qui avait lui aussi tout de suite compris son intérêt et sa fonction.

http://www.yannminh.com/french/Ct-TerryGilliam.html

Pendant l'entretien il avait joué avec, en dénonçant que tout était fait en T.V. pour donner l'impression qu'il était dans une relation "intime" avec le spectateur, mais qu'en réalité il n'y avait rien d'intime entre lui et ceux qui le regardaient à travers le petit écran
- "en fait il ne leur parlait pas" - il parlait à quelqu'un dans le studio" et dont il ne voyait que le reflet en face de lui.

Terry Gilliam avait conclu en se retournant hilare vers Jean Annestay, mon rédacteur, qui posait les questions hors champ à sa droite : "I speak to.... him... who is here..."

J'avais tellement adoré cet aparté ludique digne d'un des Monty Python, que je l'avais monté dans le documentaire d'Arte, sachant que les spectateurs ne saisiraient pas toutes les raisons de sa réflexion, et quitte à conforter l'idée, souvent attribuée à Guy Debord, que la société du spectacle recyclait tout, même ses propre dénonciations ou remise en question.


Après avoir fini de raconter mes histoires d'ancien combattant noosphérique, j'ai rangé l'ordinateur et j'ai suivi mon interlocuteur au bar de la NooNef, où Vince m'indique qui est H.H.Loyche, un des auteurs du plateau Cyberpunk que je n'arrivais pas à identifier.
C'est un auteur Danois, très sympa qui me donne des exemplaires de ses livres pour que je puisse les insérer dans ma vidéo-projection. Comme pour Bruce Sterling, j'ai du mal à comprendre son anglais.


LA REPONSE AUX MEDIA

Le soir venu, j'écourte mon dîné au restaurant pour ne pas rater la présentation de Mekamemories. (http://www.mekamemories.com/)

Marco, L'E-Troubadour, est seul sur scène devant un pupitre sur lequel il a fixé un portable PC. Il est en train de décrire les deux années de fabrication de son oeuvre.

Cyberpunk jusqu'au bout des ongles, il explique qu'une partie de Mekamemories est déposée comme les logiciels libres, ce qui n'était pas évident par rapport aux musiques, dont certaines sont déposées à la SACEM...

Ses explications détaillées et passionnantes de la genèse de Mekamemories me catapultent 20 ans en arrière dans ces nuits de folies des années 80 passées à produire nos oeuvres d'art vidéo.

Mekamemories - mémoires des mécas - mémoire mécanique - mémoire des outils.

Le néologisme de Marco m'évoque cette époque où notre quête existentielle passait par la production d'une oeuvre multimedia, utilisant pour être mise en oeuvre des outils audiovisuels sophistiqués liés aux masse-media.

Pour certains d'entre nous, la quête artistique pouvait n'avoir pour vocation et justification que le seul plaisir de manipuler des outils informationnels sophistiqués.

En 1982 j'avais appelé cette pulsion existentielle incoercible qui nous animait, moi et les autres jeunes artistes que je côtoyais : "La réponse aux media" (1)

J'en avais même fait une installation vidéo, Media ØØØ, dont les paroles du morceau de rock qui démarrait l'installation, exprimaient cette obsession créative dans laquelle nous avions engagé nos vies, et qui fut fatale à certains d'entre nous.
Fatale car, paradoxalement, comme toute quête existentielle, c'était notre vie qui était en jeu... pour un enjeu qui paraît dérisoire à beaucoup : faire des oeuvres d'art diffusées dans les masse media.

------------------
Media c'est moi, media c'est toi.
Il n'y a plus de message
Il n'y a plus que moi.
Dans la cité de l'image
Je suis tes yeux, je suis ta voix.

Media c'est moi, media c'est toi.
tu me vois sur l'affiche,
et c'est pour ça tu triches.
Media c'est moi, media c'est toi.
je suis la terre, je suis la planète.

Media c'est moi, media c'est toi.
Réveille toi, Réveille toi.

Ton nom est dans mon sang,
ton nom est dans mon corps,
en un feed-back obsédant,
rythme de ma vie,
rythme de ma mort.

Media ØØØ. Yann Minh 1982
---------------


En relisant les paroles de Media ØØØ j'y trouve, peut-être à tort une familiarité poétique entre la démarche de Marco et la mienne... ne serait-ce que dans le choix du français.

Marco a lui aussi pris le risque dans Mekamemories d'écrire certains de ses textes cyberpunk en français... et ça marche bien... ça interpelle car ça sonne étrangement à l'oreille... en fait, il n'y a pas que les institutions qui sont réticentes à la modernité, même la langue doit être violée pour accepter de s'inscrire dans un semblant de cyberculture...

Marco l'E-Troubadour commence la diffusion de Mekamemories, et je m'aperçois que le service est toujours allumé, ce qui délave l'image du vidéo projecteur et tue l'impact des visuels.

Je me lève et me précipite vers la régie pour demander s'il est possible de couper le service.
Les noomatelots qui m'avaient si bien aidé pour ma projection pendant l'accueil de Sterling, se retournent vers quelqu'un qui semble être le "responsable de la lumière", lequel m'explique que ce n'est pas possible pour des raisons de sécurité, car on ne pourrait pas rallumer les lampes ensuite ... pour une ésotérique question de "lumière froide".

- "ben y 'a qu'a pas les rallumer." dis-je d'un ton faussement naïf...
- "non, c'est pas possible" m'assène-t-il d'un ton définitif.

Impuissant je regagne ma place sans insister : ce n'est pas mon spectacle, et je ne sais pas ce qui a été négocié avec l'équipage.

Ayant eu la chance de voir Mekamemories diffusé dans le bar punk de la Cantada, je sais que le spectacle de Marco fonctionne très bien dans une atmosphère de semi pénombre où l'image vidéo projetée affiche toutes ses saturations chromatiques et ses contrastes lumineux. La, c'est exactement comme si on feuilletait un recueil d'illustrations mal photocopiées.

Je scrute le plafond pour voir si je ne peux pas monter débrancher les ampoules comme je l'avais fait 20 ans plus tôt lors du concert de DAF :


- Autour de 1984 des étudiants d'HEC avaient organisé un mélange de concerts et performances vidéo dans les entrepôts des quais de Seine en face de Jussieu. Le groupe star invité qui avait attiré un public énorme était DAF.

Je donnais un coup de main sur l'installation technique des vidéo-projections artistiques, mais quelques minutes avant l'entrée du public, on s'est rendu compte que la sono, la scène, et les vidéo-projecteurs étaient sur la même ligne électrique que les lumières du service. Impossible donc de faire la pénombre.

Les trois étudiants d'HEC qui avaient organisé cette soirée étaient tellement stressés par le retard pris qu'ils décidèrent de laisser quand même entrer le public.
Pour nous, à la vidéo, c'était une catastrophe, les plafonniers du service tapaient directement sur l'écran, on ne voyait presque rien. Il fallait agir vite...

J'ai enfilé mon costume de SuperYann et des gants de machino en tissus épais, escaladé un immense échafaudage à roulette tout en criant à un pote de pousser l'échafaudage afin de me placer sous les lampes.

Arrivé au sommet, je me suis allongé sur la plate-forme oscillant à raz du plafond, et j'ai commencé à dévisser les lampes une à une...

jusqu'à ce que surgisse un des organisateurs à moitié hystérique et hurlant: Ils allaient ouvrir les portes et je devais immédiatement dégager cet échafaudage.

Je m'apprêtais à obtempérer à contre cœur lorsque le chef roadies qui avait dirigé le montage de la scène s'interposa.
L'énorme malabar barbu, arborant tatouage et T-Shirt Hard-Rock toisa le jeune organisateur et lui dit d'une voix rauque:

- "De ma vie de régisseur jamais on a commencé un concert avec le service allumé! Le public attendra."

Il se retourna vers moi, pour me crier : - "toi là-haut, continue! dévisse toutes ces putains d'ampoules, on ne commencera le concert que lorsqu'elles seront éteintes."

C'est comme ça que je me suis retrouvé à dévisser une à une, plusieurs dizaines de lampe et que j'ai sauvé la vidéo-projection.

Mais la, c'est raté... il n'y a pas de chef roadies tatoué pour me protéger, et, visiblement, les ampoules au plafond sont d'un modèle qui ne se débranche pas si facilement.

Restait la musique, la sono de la nef principale permettait au moins de s'immerger correctement dans les excellentes musiques de Mekamemories, sans être parasité par un éventuel bruit blanc assourdissant,(l'équivalent de la lumière ambiante pour un vidéo projecteur). A défaut d'être audio-visuel, le spectacle allait être très audio.


Et puis j'ai un blanc ... une de ces étranges et habituelles amnésies, qui ponctuent ma vie, et qui fait je ne sais absolument plus comment s'est terminée cette soirée de vendredi après la projection de Mekamemories ...

Je me demande ce que j'ai encore du faire ce soir la que mon cerveau a occulté.

Une abduction extra-terrestre ? Une intelligence artificielle dissimulée dans la bande son de Mekamories qui en s'incarnant a effacée une partie de ma mémoire, à moins qu'elle ne se soit échappée du livre de DOA, les Fous D'Avril, dont j'avais à peine commencé la lecture.

Bref, si quelqu'un sait ce que j'ai fait la nuit du Vendredi 5 Novembre 2004. Merci de m'en informer.









-----------

(1) La réponse aux Media.

J'explique cette NooObsession relativement facilement... par une analogie familiale et cybernétique:

Au début, lorsque nous découvrons les monde et les autres, nous entretenons une relation directe avec nos proches, qui nous permet de construire nos repères sociaux.
Très jeune, par la parole et nos actes, nous entrons dans un processus de feed-back permanent avec notre entourage. Feed-back qui nous permet d'évaluer qui nous sommes dans l'espace social dans lequel nous évoluons.

Ainsi, très vite nous apprenons l'importance du NON.

Grace au refus de se conformer à ce qu'on attend de nous, et au vu des réactions que cela provoque dans notre environnement physique et spirituel, nous pouvons évaluer notre identité, savoir un peu mieux qui nous sommes par rapport aux autres.

Pour l'humain, qui est une entité sociable, dont l'existence s'inscrit dans un processus collaboratif avec ses congénères, la relation avec les autres est fondamentale. L'évaluation du rôle que nous tenons, et que nous devrons tenir dans le groupe est essentielle, car le petit humain, se construit identitairement à travers la rétroaction informationnelle qu'il entretient avec ses proches.

Parents, frères et soeurs, famille, voisins, école, enseignants... très vite nous apprenons à dire non, et à travers les réactions de notre entourage à ce non, nous apprenons à nous connaître.

Mais dans notre modernité cyberpunk, un phénomène nouveau est apparu. Depuis plus d'un siècle, l'ensemble des humains des pays industrialisés côtoient dès leur plus petite enfance un nouveau partenaire qui les accompagne dans leur maturation spirituel en plus de leurs proches et parents.
Un monstre polymorphe et immatériel omniprésent dont l'influence sur notre psyché dépasse souvent de très très loin l'influence même des parents ou de l'école : les masse media.

Jusqu'à la fin du dix neuvième siècle, les masse media les plus puissants étaient l'écriture et la religion.
A partir du dix neuvième siècle apparaissent de nouvelles technologies de l'information qui véhiculent en masse des informations spécifiques à leur nature, informations qui vont se greffer de façon omniprésentes sur notre environnement quotidien.

Radio, Cinéma, Télévision, Jeux vidéo, diffuseurs sonores, affichage urbain, écrans géants, qui diffusent de la musique, des fictions, des jeux, des documentaires, de la publicité, des témoignages, des infos, des reportages...

Très vite, le petit humain va commencer à entretenir une relation existentielle vis à vis de ce monstre noosphérique qui l'accompagne dans sa croissance.



LA PREMIÈRE RÉPONSE AUX MEDIA:

La première réponse aux media, la plus courante et universelle, la plus facile aussi, car facilité par le monde marchand, c'est la consommation.

Nous achetons, nous nous habillons, nous nous entourons d'objets qui correspondent à une image de nous même puisée dans l'univers des masse media.
Ainsi très tôt, je dirai au moins à partir de 4 ans, l'enfant des pays industrialisés prend en charge son environnement informationnel en s'entourant de livres, cd, films, BD, affiches, vêtements, qui correspondent à ce qu'il est ou pense être. Il commence à s'identifier à des modèles médiatiques (populaires ou non)

Ce processus d'identification informationnel se poursuivra toute sa vie, en particulier avec l'automobile, la maison, le mobilier, les vêtements, les objets décoratifs, les artistes, les oeuvres d'art ou autre oeuvres à fort contenu informationnel.

Pour certains, la relation existentielle vis à vis d'objets informationnels est tellement forte qu'il y a souvent identification... avec une star, un objet, un auteur, un artiste, un film... critiquer l'oeuvre ou l'objet revient à remettre en question l'existence de celui pour qui elle a joué un rôle de construction identitaire, et cela peut déclencher des réactions très violentes (Cf. les débats sur les NG de cinéma en particulier)




LA SECONDE RÉPONSE AUX MEDIA:

Consommer n'est pas suffisant pour certain.

Car c'est un dialogue à sens unique, il n'y a pratiquement pas d'interaction, pratiquement pas de feed-back.
Nous ne sommes que dans une position de "consommateurs" (Le système marchand n'attend pratiquement rien d'autre de nous, sinon une consommation relativement passive).

Bien sur il y a feed-back... le monde marchand s'adapte en permanence aux attentes des "consommateurs", mais de façon collective, globale, et lente, à travers l'analyse de comportements collectifs... (comportement d'achat).

Mais ce feed-back marchand, malgré tous ses efforts de "pénétration ciblée" tient très peu compte des individualités...

Ce n'est pas suffisant pour que notre "identité" ait l'impression d'être reconnue par le monstre noosphérique... pour qu'on ait l'impression qu'il nous "reconnaît", comme nos parents nous ont "reconnus" lorsque pour la première fois nous leur avons dit "non"...

Aussi, nombreux sont ceux qui vont s'efforcer d'obtenir un feed-back directe de la part des masse media, grace à des passerelles spécifiques, et d'ailleurs elles aussi souvent exploitées par le monde marchand.

C'est par exemple la dédicace.

Par une dédicace sur un livre, un disque, un DVD, un album de BD, nous établissons un pacte avec l'auteur très particulier.
L'auteur de l'oeuvre est pour la plupart de ses amateurs, qui ne font pas partie de son environnement proche, une entité noosphérique immatérielle.
il n'est pas question, dans le cas d'une star, que l'auteur fasse entrer ses millions de spectateurs, auditeurs, lecteurs dans sa sphère privée... en plus ce n'est pas nécessaire... par le protocole de la dédicace, l'artiste passe un pacte identitaire fondamental avec son fan...
il dit : Je te reconnais en tant qu'individu. Tu as existé pour moi, le temps de cette dédicace.

Ce pacte, qui parait dérisoire ne l'est pas.

Grace à cette signature et ce très bref contact avec une des entités informationnelle qui a forgé son "être", le fan, l'admirateur a eu un retour de feed-back identitaire. Il s'est retrouvé, pendant quelques secondes, projeté en tant qu'acteur dans la sphère informationnelle.

Dans sa "famille" noosphérique.

Pendant l'espace d'une fraction d'instant, ses metaparents noosphériques lui ont dit : "nous te reconnaissons, nous savons que tu existes." Et cette reconnaissance a été pérennisée et formalisée intemporellement par un sceau apposé sur un objet réel.

Grace à cette signature, le fan, l'amateur (dans son sens littéral non péjoratif), évacue très simplement une souffrance existentielle : celle de n'être qu'un consommateur anonyme.
Celle de n'être qu'un enfant dont les parents seraient indifférent à son existence.

D'autres "seconde réponses aux media" existent, par exemple beaucoup vont investir de l'énergie pour faire partie du public d'un plateau T.V., ou accompagner leur star pendant une journée grace aux fans club, certains vont participer aux jeux T.V.. Ainsi l'espace d'une après midi, on se retrouve facilement projeté dans cette sphère informationnelle qui a construite notre identité.






LA TROISIÈME RÉPONSE AUX MEDIA:

La plus difficile et aussi la plus dangereuse.

C'est la création artistique.

Pour certains d'entre nous, consommer parait vain, courir après les stars ou les plateaux T.V. aussi, c'est une reconnaissance existentielle qui parait factice... la vrai reconnaissance, ce serait d'exister aussi dans la sphère médiatique, à travers un avatar informationnel, sous forme de roman, de film, d'illustration, de musique... qui vivra sa vie dans le monde des media. Exactement comme ceux qui ont formé notre identité et qui s'empilent sur nos étagères et dans nos cartons.

Nombreux seront ceux qui choisiront la voie de la musique. Des milliers, voir des millions de jeunes adolescents, et plus âgés, répètent dans leur cave, ou mixent leur single dans l'espoir, non pas de faire un concert, mais que leur CD soit distribué.

D'autres choisiront comme moi la voie de l'image, faire une couverture de roman de SF, une jaquette de disque, un clip, un dessin animé, un court-métrage... voir un film...
D'autres choisiront la voie de l'écriture, faire un roman, écrire des nouvelles...
D'autres choisiront la voie du mannequinat
D'autres choisiront la voie du comédien ou de l'acteur...
Etc...

Le problème, c'est que les places au soleil de la noosphère sont très chères... en particulier dans le monde des masse media.
Et il y aura des morts sur ce chemin, au propre comme au figuré.

L'importance existentielle de cette reconnaissance médiatique est totalement sous évaluée socialement.

Pour beaucoup, ne pas pouvoir exister dans la sphère informationnelle au travers d'un avatar de nous même, c'est exactement comme vivre avec des parents qui nous nieraient. Qui jamais ne tiendraient compte de notre existence.
Cela ne peut se traduire que par de la violence ou de l'autodestruction, soit les deux à la fois.



Yann, troisième répondeur à gauche en sortant du couloir.
--
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Dizayn Ercan Koc